PIER 88

Publié le par pierre escaillas


       
         Pier 88, le poste quasi mythique de la Transat à New-York. C'est là que venaient accoster les géants venus de l'autre côté de l'Atlantique, Paris, Ile-de-France, Normandie puis, plus tard, Liberté et France. C'est là aussi qu'une triste nuit de février 1942 Normandie se couchait sur le flanc, grosse baleine échouée en travers du bassin, vaincu par les tonnes d'eau déversées par les pompiers new-yorkais pour combattre l'incendie tandis que son équipage, interdit de séjour à bord, assistait impuissant au désastre : pauvre Normandie, pauvre France de 1942.
        Il y a quelques jours M. Robert Guyon ma faisait parvenir "Appareillage dock F pier 88" poème du départ. Peu après, pure coïncidence, M. Jean-Pierre Paoli, co-listier sur le Forum Yahoo des Messageries Maritimes, y publiait une aquarelle intitulée Pier 88. L'un et l'autre m'ont autorisé à publier ici leur oeuvre, flattant ainsi ma paresse naturelle : quelques "clics" et puis ça y est...
                                                                      
                                                                            Pierre Escaillas.


Jean-Pierre Paoli. New-York, Pier 88 


Appareillage dock F pier 88

                                               à Françoise K.


L'imperceptible / irrémédiable séparation de l'appareillage
Si lente si lente quand le navire n'a pas encore pris sillage
Et "MACHINE AVANT TOUTE" au Chadburn Telegraph


Et c'est comme si flanc contre flanc
- Celui qui part celui qui reste -
Séparés par les eaux noires d'une promesse d'accouchement
Le navire avait la nostalgie du quai
De la terre saisissable en ses rumeurs et ses odeurs


En cette hésitation
- Celui qui part celui qui reste -
Se mêlent les regards et s'agitent les mains
Ces mains et ces regards si mêlés et si proches
Dans une efflorescence d'oiseaux de mer
Si proches et si irrémédiablement séparés


Quand le navire se déhale et délove ses liens
Qu'on ne sait pas qui de l'autre
Qui de l'autre s'éloigne
Imperceptible / irrémédiable


Mains en pleurs agitées par le haut vent des terres
Mains en flammes claquantes du haut des bastingages
Qu'on ne sait plus qui est le quai et qui le navire
Qui de qui s'éloigne


Regards noyés d'embruns pâture des sirènes
Celui qui part celui qui reste
Feront même route ensemble et chaque fois plus loin
Ensemble et irrémédiablement séparés
Chaque fois plus loin l'un de l'autre et pour chacun
Point de départ
- Là où nos yeux à jamais retourneront et nos mains déliées -


Et cependant qu'on entend le cri des matelots
Qui arrachent les ancres et passerelles larguées
Le navire creuse sa houle
Creuse sa plaie liquide au coeur
La coupure qui délivre et ne cicatrise pas.


                                                                Robert Guyon


Du même auteur :
Fragments d'une passion. L'Harmattan 2001
Les lettres de Salonique
Echos du bastingage, Les bateaux de Blaise Cendrars, Ed. Apogée.


Et toujours :  http://lalicorne.canalblog.com/


Publié dans R. GUYON

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